Alors que le Liban est plongé dans une crise politique et économique sans précédent, des millions de Libanais ont progressivement vu l’accès à leur compte bancaire restreint voire totalement bloqué. Les banques libanaises sont en effet directement implanté par la crise économique qui traverse le Liban, notamment en raison des pénuries de devises étrangères dès mai 2019. Cette crise a conduit à de nombreux braquages, non pas par des organisations mafieuses mais par des clients désespéré qui tentent de retirer leurs propres économies au sein des banques. En plus d’avoir un accès très limité à leur épargne, les citoyens libanais ne peuvent effectuer des retraits qu’en livres libanaises, qui a perdu plus de 90% de sa valeur sur le marché en trois ans.
Comptes bloqués au Liban
Au Liban, certains citoyens ont intenté devant les tribunaux commerciaux une action en recouvrement fondée sur le droit de la propriété défendu par la Constitution libanaise (l-opportunite-d-attaquer-les-banques-libanaises-bloquant-les-fonds-a-des-clients-francais.html), ainsi que sur une modification unilatérale du contrat. Plusieurs jugements favorables aux déposants ont été rendus en première instance, mais les banques ont fait appel. D’autres ont tenté devant le juge des référés libanais une demande d’accès aux comptes dans l’urgence. le juge des référés n’a pas compétence pour trancher sur le fonds mais il peut prendre des mesures conservatoires et temporaires. Si des centaines de décisions ont été promulguées en faveur des déposants, les Cours d’appel ont systématiquement tranché contre l’exécution du jugement par crainte de la mise en faillite de tout le secteur bancaire. La dernière alternative est devant le juge de l’exécution, en réclamant la saisie conservatoire des actifs des banques. ce recours ne permet pas au déposant de récupérer son argent, mais la banque ne peut plus disposer de ces actifs tant qu’elle n’a pas remboursé le dépôt.
Aux Etats-Unis, une Cour d’appel a décidé en décembre 2022 que les actions en justice contre les banques commerciales libanaises pourront être jugées à l’extérieur du Liban. cette décision constitue un revirement étant donné que les déposants avaient d’abord été déboutés, notamment un regard de la compétence juridictionnelle.
Concernant les personnes domiciliées en France qui ont ouvert des comptes bancaires auprès de banques libanaises, se pose la question de possibles recours en France. Le 19 novembre 2021, la 9ème chambre du Tribunal judiciaire de Paris, spécialisée en droit bancaire, a ordonné à la banque Saradar – une banque libanaise basée à Beyrouth – de restituer l’intégralité des économies d’une syrienne résidente en France (soit près de 2,7 millions de dollars US). Son épargne, comme pour des millions de citoyens Libanais, était bloquée ou ne pouvait être retirée qu’en livres libanaises. Toute la problématique était de savoir si la banque avait dirigé ses activités en direction de la France, auxquelles cas le tribunal français était compétent pour statuer sur le litige au regard de l’article 17 du Règlement n°1215/2012. A ce propos, la banque Saradar affirmait ne posséder ni bureau, ni employé en France, afin d’éviter que le litige ne soit jugé par les instances françaises.
Le Tribunal judiciaire de Paris a tout de même retenu le fait que les comptes courants de la demanderesse ont été signés à Paris et que des préposés de ces établissements bancaires se déplaçaient plusieurs fois par an en France pour accomplir des formalités nécessaires auprès d’une clientèle locale.
Ce jugement est important, étant le premier en France à condamner une banque libanaise à payer effectivement le déposant. Bien évidemment, la banque a tenté de faire appel de cette décision, mais la Cour d’appel de Paris a rejeté le recours. Les juges ont décidé d’appliquer de manière rigoureuse le droit français et européen de la consommation : tout consommateur ayant sa résidence habituelle en France, la nationalité française ou dont le litige concerne des faits produits sur le territoire français, peut agir en justice devant les juridictions françaises. Cet arrêt pourrait fonder une jurisprudence concrète pour les clients français de banque libanaise.
Je suis un client français et mes fonds sont bloqués auprès d’une banque libanaise, que faire ?
La première chose à faire est de contacter sa banque pour obtenir des informations sur les options disponibles pour récupérer les fonds bloqués. Certaines banques libanaises ont mis en place des programmes de remboursement pour les clients étrangers, mais cela peut prendre du temps et les modalités de remboursement peuvent être contrariantes.
Si l’établissement bancaire soutient qu’il ne peut rembourser les fonds, il est nécessaire de contacter un avocat spécialisé pour intenter un recours devant les tribunaux. En effet, depuis l’arrêt du Tribunal judiciaire de Paris, confirmé par la Cour d’appel le 23 novembre 2022, la jurisprudence semble favorable aux déposants et les recours ont une réelle chance d’aboutir.