Le développement des NFT (Non-Fungible Token) est aujourd’hui exponentiel et impacte tous les plans de l’économie, comme l’art, le sport, les jeux vidéo ou encore la mode. Alors que les investissements en NFT ne cessent de se diversifier, de nombreuses interrogations demeurent quant à la fiscalité des NFT. Cet aspect est pourtant essentiel pour évaluer la rentabilité d’une opération. Alors, qu’en est-il de la fiscalité des NFT ?
La qualification difficile des NFT
Alors que les NFT envahissent progressivement notre quotidien, le droit français a encore du mal à appréhender ces jetons « non fongibles ». Si les cryptomonnaies ordinaires de type Bitcoin ont relativement été appréhendées par le législateur, les NFT demeurent des « ovnis ». En effet, sur le plan juridique, la qualification des NFT est incertaine. Cette incertitude est problématique étant donné que pour appliquer un régime, qu’il soit civil, pénal ou fiscal, il est nécessaire de qualifier juridiquement l’opération, et plus généralement, les faits. Or, aujourd’hui, les NFT pourraient être rattachés à plusieurs régimes juridiques différents.
Les NFT en tant qu’actifs numériques
La loi PACTE du 22 mai 2019 a institué un régime propre aux cryptomonnaies. Elle a notamment introduit la notion d’ « actif numérique », qui pourrait inclure les NFT. L’article L 54-10-1 du Code monétaire et financier (CMF) opère une distinction entre deux catégories d’actifs numériques :
D’une part, les jetons constituent tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien1. La réglementation des actifs numériques ne s’applique toutefois pas aux jetons qui remplissent les caractéristiques des instruments financiers et les bons de caisse.
D’autre part, les monnaies numériques renvoient à toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique et qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement. Il s’agit des cryptomonnaies « classiques », telles que le Bitcoin, l’Ethereum ou encore le Ripple.
En pratique, il est très probable que le NFT soit assimilé à un « jeton ». En effet, il remplit globalement toutes les conditions, bien que les NFT ne donnent pas systématiquement un droit à leur propriétaire. Si les NFT devaient être qualifiés de jetons, il conviendrait d’appliquer le régime fiscal propre aux actifs numériques. Dès lors, les cessions de jetons non fongibles seraient soumises à l’article 150 VH bis du Code général des impôts (CGI).
Pour les investisseurs privés, réalisant des opérations à titre occasionnel, la vente de NFT relèverait de plein droit de la flat-tax de 30%, soit 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2% au titre des prélèvements sociaux.
Pour les investisseurs professionnels, réalisant des opérations dans des conditions analogues à celles d’un professionnel de type trader, la vente de NFT ne relèverait pas de la flat-tax, mais des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Toutefois, à compter du 1er janvier 2023, les gains perçus par les investisseurs professionnels seront imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC).
Toutefois, il est possible de douter de la qualification de NFT en tant qu’actif numérique. En effet, la volonté du législateur, telle qu’elle ressort des travaux préparatoires de la loi PACTE de 2019, était de définir les jetons dans le but d’encadrer les Initial Coin Offerings (ICO), et non les NFT.
1 Article L. 552-2 CMF
Les NFT assimilés à des œuvres d’art
La qualification de NFT en tant qu’œuvre d’art est soutenue par un grand nombre de personnes en raison du régime fiscal particulièrement avantageux de la vente d’œuvre d’art. En effet, dans cette hypothèse, c’est l’article 150 VI du CGI qui s’appliquerait lors de la vente. Ce régime prévoit une taxe forfaitaire de 6% du prix de vente, auquel s’ajoute 0,5% au titre de la CRDS, soit un total de 6,5%. L’imposition ne dépend pas de la plus-value, mais bien du prix de vente. Toutefois, de nombreux obstacles juridiques et technologiques rendent peu probable cette qualification.
D’un point de vue juridique, le NFT n’est pas une œuvre d’art. L’article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle dresse une liste non exhaustive des œuvres de l’esprit et le NFT n’y est pas cité. Juridiquement, le NFT est avant tout un certificat d’authenticité numérique, et non une œuvre d’art ou même le support d’une telle œuvre.
D’un point de vue technologique, le NFT correspond à une œuvre « tokénisée ». Si le propriétaire d’un NFT a accès à une œuvre, il n’est pas pour autant titulaire des droits d’auteur sur cette œuvre.
Les NFT assimilés à des biens meubles incorporels
Dans une décision du 25 avril 2018, le Conseil d’Etat avait assimilé les unités de Bitcoin à des biens meubles incorporels. Le Conseil d’Etat avait raisonné par rapport au critère d’immobilité. Les Bitcoins ne présentant pas un tel caractère, il convenait de les qualifier de bien meuble incorporel. Par analogie, il serait alors possible de qualifier les NFT en bien meuble incorporel et de leur appliquer le régime fiscal des cessions de biens meubles institué à l’article 150 UA du CGI.
La plus-value nette est alors imposée au taux de 19%, auquel s’ajoutent 17,2% au titre des prélèvements sociaux, soit un taux global de 36,2%. Toutefois, les cessions de biens meubles bénéficient d’un abattement de 5% chaque année de détention au-delà de la deuxième année. Ces cessions peuvent donc être totalement exonérées d’imposition sur les plus-values dès lors que les biens ont été détenus par le cédant pendant plus de 22 ans.
Toutefois, cette décision est antérieure à la loi PACTE de 2019 qui a consacré les actifs numériques au sein du CMF. On peut donc douter de la pérennité de cette décision, et notamment de son extension aux NFT.
Conclusion
La qualification des NFT est encore aujourd’hui incertaine. En matière de fiscalité, cette incertitude est source d’insécurité pour tout un écosystème en développement, qu’il s’agisse des utilisateurs, des émetteurs ou encore des plateformes d’échange de NFT. Cette situation n’est pas satisfaisante, c’est pourquoi l’Association pour le Développement des Actifs Numériques (ADAN) propose de créer un régime fiscal spécifique pour les opérations sur NFT. Tous les regards sont désormais tournés vers la prochaine loi de Finances, en espérant que le législateur prenne en compte les diverses recommandations des praticiens.