Livre blanc : l’encadrement des ventes d’actifs numériques

C’est par l’article L54-10-1 du Code monétaire et financier (CMF) qu’une liste de ce qu’il faut entendre par le terme « d’actifs numériques » est d’abord effectuée.

Ainsi, le texte précise qu’il s’agit tout d’abord, à quelques exclusions près, des jetons mentionnés à l’article L. 552-2 dumême Code, soit « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien. »
Sont aussi des jetons « Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ». Ainsi, on retrouvera notamment l’ensemble des « crypto-actifs » à travers ces qualifications.

Dans un contexte où les arnaques à l’investissement connaissent une ascension fulgurante, un ensemble de plateformes frauduleuses de ventes de crypto-actifs font en ce moment l’objet d’un nombre conséquent de plaintes de particuliers auprès de l’AMF (quel-est-le-role-de-l-autorite-des-marches-financiers-amf.html). Ces arnaques sont aujourd’hui le premier motif de réclamation des épargnants, passant alors même devant les victimes du Forex. Selon le site de l’AMF « les sommes déclarées escroquées, s’élèvent en moyenne à plusde 15 000 euros par épargnant ».

Quels indices pour repérer les principales arnaques ?

Il faut savoir qu’aujourd’hui les principales arnaques à l’investissement sont celles relatives aux crypto-actifs (BTC, ETH, BNB…).

Les promesses de ces fausses propositions d’investissement sont multiples : hauts rendements ou performance dépassant celles des véhicules de spéculation bancaires classiques. Ces placements sont vendus comme très liquides, c’est-à-dire que les gains peuvent être retirés à tout instant. Le marketing est axé sur la preuve sociale en mettant en avant de faux avis de réussite, et de forts ROI1. Parfois même, le logo de l’AMF peut être utilisé frauduleusement.

Les escroqueries sont ainsi particulièrement élaborées, allant jusqu’à la mise en place de services téléphoniques dédiés. Les pseudo-conseillers démarchant les futures victimes se montrent toujours très rassurant à leur égard, à l’écoute et réconfortant quant aux risques envisagés.

Ce, jusqu’à ce qu’il n’y ait soudainement plus de réponse après le dépôt des fonds, devenant alors inaccessibles. Les conséquences peuvent aller au-delà de la perte des fonds, il s’agira parfois de surcroit d’une usurpation d’identité. Voici pourquoi certaines garanties sont nécessaires dans un contexte où 30% des Français envisagent d’acquérir de la cryptomonnaie2.

1 Return on investment : Retour sur investissement

2 Sondage Ipsos pour l’ADAN, Janvier 2022

L’intérêt du statut des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN).

En réponse à ce besoin croissant de sécurisation des transactions, le statut PSAN est créé. Il a alors pour rôle d’une part de réguler ce marché d’actifs numériques mais aussi d’autre part de mettre en valeur des plateformes à qui les épargnants pourront accorder la confiance nécessaire à la réalisation d’échanges sécurisés. L’AMF rappelle aux épargnants l’importance de consulter la liste blanche de PSAN enregistrés disponibles sur son site. L’enjeu de l’obtention de cet agrément conféré par l’autorité des marchés financiers est alors de taille pour les sociétés voulant s’imposer dans le marché des plateformes d’achat et de vente d’actifs numériques.

Créé en 2019, ce statut n’en est encore qu’à ses débuts, et aujourd’hui il concerne plus d’une vingtaine d’enregistrés. La liste tend à s’allonger et l’on peut citer quelques sociétés notables comme BINANCE France SAS, COINHOUSE SAS, ou encore JUST MINING SAS.

Comment est encadrée la vente d’actifs numériques ?

Introduction du cadre avec la Loi PACTE (loi n° 2019-486, 22 mai 2019)

La loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) encadre le secteur des services sur actifs numériques, et intègre le statut PSAN qui se retrouve alors régi aux articles L54-10-1 et suivants du CMF. Il y a en somme deux régimes : une obligation et une faculté.

Le premier oblige par l’article L.54-10-4 à un enregistrement lorsque le prestataire entend fournir un des services suractifs numériques mentionnés aux 1° à 4° de l’article L.54-10-2 du CMF :
« 1° Le service de conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques ;

2° Le service d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal ;
3° Le service d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques ;

4° L’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques »
Le second permet sur option de l’article L. 54-10-5 du CMF d’obtenir un agrément de l’AMF lorsque le prestataire entend fournir un ou plusieurs des services mentionnés à l’article L. 54-10-2 du CMF.

La création de ce monopole sur certains services constitue tant une entrée complexifiée sur le marché des prestataires de services d’actifs numériques, qu’une opportunité d’obtenir une visibilité non négligeable, supplémentée d’une marque de confiance pour le particulier ayant la volonté d’investir.
Par la suite, le décret n°2019-1213 relatif aux prestataires de services sur actifs numériques complète la loi PACTE avec une définition plus précise des PSAN et un détail des modalités d’enregistrement auprès de l’AMF. Avec l’ordonnance n°2020-1544 du 9 décembre 2020 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) ces dispositions sont renforcées, par ailleurs une seconde fois complétées par le décret n°2021-387 du 2 avril 2021.

Deux rôles principaux lui sont confiés : l’enregistrement et l’agrément des PSAN, et le contrôle des PSAN avec un pouvoir de sanction.

AMF, organe administrateur : enregistrement et agrément des PSAN

Nous nous concentrerons sur les deux premiers services de l’article L. 54-10-2 à savoir « 1° le service de conservation » d’actifs numériques pour le compte d’un client, et « 2° le service d’achat ou de vente d’actifs numériques ayant cours légal ».

Pour ceux-là, c’est la procédure d’enregistrement qui est visée.

L’article L.54-10-3 précise que l’AMF « sur avis conforme de l’Autorité de contrôle prudente et de résolution (ACPR)  » vérifie si :
« 1° Les personnes qui en assurent la direction effective possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires à l’exercice de leurs fonctions ;

2° Les personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote du prestataire, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur ce prestataire au sens des 3° et 4° du I de l’article L. 233-3 du code de commerce, garantissent une gestion saine et prudente du prestataire et possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires ;

3° Les prestataires ont mis en place une organisation, des procédures et un dispositif de contrôle interne propre à assurer le respect des dispositions des chapitres Ier et II du titre VI du présent livre qui leur sont applicables. »
Ils s’assurent également de la conformité à la règlementation relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et gel des avoirs (LCB/FT). Le PSAN doit respecter l’ensemble des obligations en matière de LCB-FT.

Comment constituer le dossier PSAN ?

Les informations nécessaires à la constitution du dossier sont posées à l’article D54-10-2 du Code monétaire et financier.

Il s’agit des informations relatives à l’identité des dirigeants, leur honorabilité, leurs compétences, ainsi que d’autres informations relatives à certains services spécifiques. Il faut également fournir une attestation déclarant n’avoir fait l’objet d’aucune interdiction mentionnée à l’article L500-1 du Code monétaire et financier.

Comment le déposer ?

Il est possible de s’entretenir avec l’AMF et l’ACPR préalablement au dépôt pour poser des questions et confirmer la qualification des activités.

La demande d’enregistrement doit être déposée auprès de l’AMF. Le dossier d’enregistrement et ses pièces constitutives doivent être transmis à l’adresse mail suivante : [email protected]. (mailto:[email protected])

L’ACPR a trois mois pour formuler un avis conforme. Et la décision de l’AMF doit être notifiée au demandeur dans un délai de 6 mois à compter de la réception du dossier.

Si l’activité suppose un paiement en carte bancaire, toute demande de statut PSAN doit s’assortir d’une demande d’agent PSP.

Contrôle des PSAN et sanctions prévues

Quel contrôle ?

L’article L.621-9 du CMF dispose que pour assurer l’exécution de sa mission, l’AMF réalise des contrôles et des enquêtes.

En effet, le II de cet article dispose que « L’AMF veille également au respect des obligations professionnelles auxquelles sont astreintes, en vertu des dispositions législatives et réglementaires, les entités ou personnes suivantes, ainsi que leur autorité ou agissant pour leur compte :

(…) les prestataires agréés conformément à l’article L.54-10-5.

Quelles sanctions ?

La loi PACTE place les PSAN sous le regard de l’AMF et de l’ACPR. L’AMF supervise les agréments. Si elle peut délivrer un agrément, elle peut également en prononcer le retrait. C’est le cas lorsque certaines obligations déclaratives ne sont pas respectées conformément à l’article L.54-10-3.

L’ACPR de son côté veille au respect, par le prestataire, de ses obligations prudentielles. Armée d’un pouvoir de contrôle et de sanction, elle peut par exemple sanctionner pécuniairement l’insuffisance caractérisée du dispositif LCB-FT. Le montant de la sanction peut atteindre jusqu’à 5 millions d’euros.

Du côté des sanctions pénales, on retrouve par exemple une peine de deux ans d’emprisonnement et une amende de 30 000 euros en cas de violation de l’obligation d’enregistrement (L.572-23 du CMF).

Quels sont les recours possibles face aux décisions de l’AMF ?

Il est possible de former un recours contre une décision de la commission des sanctions de l’AMF.

Qui peut former un recours ?

Les premiers concernés par la faculté de former un recours sont les personnes sanctionnées, mais elles ne sont pas les seules. Ainsi en va du Président de l’AMF qui, après accord du Collège (de l’AMF), peut soit former un recours principal à l’encontre de la décision, soit un recours incident en réponse à celui exercé par les personnes sanctionnées.

Quels sont les délais ?

Les personnes sanctionnées disposent d’un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision de sanction. Le Président de l’AMF peut également former un recours principal dans le même délai, ainsi qu’un recours incident dans les 2 mois à compter de la notification à l’AMF du recours de la personne sanctionnée.

Devant quelles juridictions ?

Ces recours peuvent être portés devant le Conseil d’État pour les sanctions affectant les prestataires de services suractifs numériques agréées conformément à l’article L. 54-10-5 du CMF.

Les décisions émanant de ces juridictions de recours seront publiées sur le site internet de l’AMF. Les recours n’ont en principe pas d’effet suspensif.

Néanmoins, le site de l’AMF précise que les personnes sanctionnées qui ont formé un recours peuvent présenter une demande de sursis à exécution ou de suspension de la décision, selon le cas, au premier président de la cour d’appel deParis ou au juge des référés du Conseil d’État.

Conclusion

La hausse des arnaques relatives à de fausses propositions d’investissements ayant recueilli la première place des arnaques signalées à l’AMF justifie un cadrage légal strict. Pour ce qui nous concerne aujourd’hui, la loi PACTE ayant instauré à la fois un régime d’enregistrements spécifique à l’activité d’achat et de vente de crypto-actifs, mais aussi conféré un pouvoir de contrôle à une autorité administrative constitue un encadrement par l’AMF de la vente d’actifsnumériques.

Les personnes sanctionnées par l’AMF d’un retrait de leur enregistrement peuvent former, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision de sanction, un recours devant le Conseil d’État pour voir cette décision de lacommission des sanctions annulée.

Faites-vous accompagner par notre cabinet d'avocats
Vous pouvez aussi nous écrire a l'adresse mail: [email protected]

Partager :

Rechercher
Derniers articles
Catégories
NOUS ÉCRIRE

« * » indique les champs nécessaires

Votre Nom*
Pour suivre notre actualité
Votre email

« * » indique les champs nécessaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *